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Que veulent les futurs médecins

Médecins de demain, quelles sont leurs attentes ?

Les étudiants des facultés de médecine sont nos médecins de demain. Quels sont leurs motivations, leurs souhaits professionnels, leurs regards sur l’actualité ? Rencontre avec Alix, 22 ans, étudiante en 5ème année de Médecine à la faculté de Nantes.

Alix

Etudiante en 5ème année
de Médecine à la faculté de Nantes

Alix, qui êtes-vous ?

Après un parcours classique à l’école et un bac S, non pas par choix mais parce qu’il fallait choisir quelque chose, et que cela devait m’ouvrir des portes, je me suis orientée vers Médecine presque par hasard. Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. Je vis depuis toujours au jour le jour sans forcément me projeter sur le long terme. Par contre, lorsque je me lance un défi, je fais tout pour le réussir. J’ai donc eu mon concours de Médecine du 1er coup et les années passent depuis. 

Les 3 premières années d’études de Médecine sont très théoriques. C’est plus intéressant depuis l’année dernière où nous sommes en présence des patients 1 mois sur 2. 

Je pense m’orienter vers la Médecine de la Femme : gynécologie, cancer du sein, cancers gynécologiques… Je ne suis pas exactement fixée. Pour autant, tout dépendra de mon résultat au concours en fin de 6ème année. En fonction de mon classement, je devrai choisir parmi les villes et spécialités restantes. Certaines spécialités sont très demandées mais ne proposent qu’une cinquantaine de places par an alors que nous serons 9 000 étudiants à devoir se positionner. L’Ophtalmologie a la côte par exemple. Certaines chirurgies sont en baisse depuis quelques années en revanche. Dans les villes, Nantes et Rennes semblent très demandées.

Infographie des choix des futurs médecins

Mais attention ! Quand on choisit une ville, on choisit aussi sa périphérie car nous devrons changer de poste tous les 6 mois au cours de notre formation. Ainsi, Nantes et Lille semblent plus avantageuses. Les villes où les étudiants vont exercer après avoir choisi Nantes par exemple, c’est La Roche-sur-Yon et Saint-Nazaire, ça va encore en termes de distance. La périphérie de Bordeaux, ça peut être 2h de route ! ça implique un déménagement tous les 6 mois. 

En fait, on n’a jamais vraiment le choix quand on fait des études de Médecine. Il peut y avoir un côté bouche-trous pas très agréable à vivre.

[En complément, découvrez comment la Vendée essaie de gagner le cœur des futurs médecins via la « Charte des hébergements territoriaux des étudiants en santé ».]

Envisagez-vous une carrière hospitalière ou plutôt une installation en libéral une fois vos études de médecine terminées ?

J’ai une seule certitude à ce jour : je veux partir de l’hôpital. Que ce soit pour exercer en clinique, en maison de santé ou en libéral, je ne sais pas. 

L’hôpital a un énorme turn-over des patients naturellement. Et c’est bien ! Il faut pouvoir soigner tout le monde. Mais du coup, il n’y a pas forcément de suivi. On ne voit les patients qu’à un moment T. 

En plus, j’ai le sentiment que les délais sont trop longs, les locaux parfois défraîchis. Et imaginez : en une semaine, vous pouvez voir défiler 4 médecins de la même spécialité à votre chevet sans savoir qui ni pourquoi. Patients et médecins doivent répéter plusieurs fois la même chose, ce qui entraîne une déperdition d’énergie et d’informations. 

La multiplicité des disciplines exercées à l’hôpital est en revanche très intéressante et les réunions inter-équipes passionnantes. Mais ça ne compense pas suffisamment pour moi. 

J’aspire à plus de liberté que ce qui est possible à l’hôpital. 

Arrivés en 5ème année, les futurs médecins ont-ils déjà été sensibilisés d’une façon ou d’une autre à l’exercice en zone rurale ?

Pas du tout. Nous sommes cantonnés à l’hôpital au sein de notre grande ville jusque-là. 

Les étudiants en médecine ont cependant des représentants au niveau national qui font un travail remarquable : organisation de votes, documentation de projets de loi, organisation de congrès… Ils sont notre voix auprès du Ministère de la Santé.

Ils ne sont pas entendus pour autant. L’amendement n°1063 au PLFSS 2022 a été adopté par le Sénat. C’est un cataclysme. J’ai le moral dans les chaussettes rien que d’en parler. C’est aberrant d’obliger les futurs médecins à exercer en zone sous-dotée sans considération pour… eux ! C’est prendre le problème à l’envers. 

Pendant toutes nos études, on ne voit rien d’autre que le CHU, à l’exception d’un temps en cabinet de médecine générale de ville en 6ème année. Nous ne sommes ni sensibilisés ni informés de la réalité de l’exercice en libéral ou MSP (Maison de Santé Pluridisciplinaire) ou autre. Et on veut nous y propulser sans sommation ? 

C’est aberrant d’obliger les futurs médecins à exercer en zone sous-dotée […] Je veux juste vivre là où je veux, quand je le veux.

Alix, étudiante en 5ème année de Médecine

Quel accueil ont les étudiants en médecine, à votre connaissance, des aides multiples proposées par les territoires pour s’installer en zone sous-dotée ?

Les représentants des étudiants en Médecine doivent avoir un avis sur le sujet. Mais moi je ne suis pas au courant. Quasiment tout mon temps est consacré à mes études. Je n’ai pas envie de chercher des informations en plus sur ce qui ne me concerne pas encore et pourrait de nouveau changer. 

Je veux juste vivre là où je veux, quand je le veux. Je ne me vois pas reprendre une patientèle juste pour combler un manque dans un désert médical. Les médecins exercent déjà un métier résolument tourné vers l’autre. On ne peut pas aller plus loin… 

Si on m’oblige à quitter famille, amis, conjoint, pour exercer dans un endroit non choisi et imposé, ce sera terrible pour moi. Si je vais mal, je ne pourrai pas bien m’occuper de mes patients. Et je pense que je partirai dès que cela serait possible, mettant fin au suivi des patients. Ce n’est pas la solution. 

Après 10 ans à trimer, à donner beaucoup d’heures et d’énergie, nous méritons plus de liberté. Sinon, comme certains l’envisagent, nous finirons par partir à l’étranger. A 1h d’avion, on peut être mieux loti et plus près de notre famille que de certains endroits de France. 

La santé mentale des étudiants, en particulier en Médecine, est déjà catastrophique. Les études sont affreusement longues, difficiles, compliquées, nous poussant dans nos derniers retranchements… Prenons soin des futurs soignants pour qu’ils puissent bien prendre soin de nous. 

Comment vit-on la pandémie et les polémiques liées au vaccin en tant que soignant ?

Certains se gargarisent de fakenews sans aucune forme de discernement. Fakenews qui se propagent bien mieux que n’importe quelle information vérifiable.

Si une véritable information est diffusée, de toute façon elle est noyée dans le bruit ambiant. 

En tant que soignante, je suis en permanence prise à partie. Non pas pour donner mon avis mais pour justifier je ne sais trop quoi. Attention spoiler : je ne suis pas à l’origine de la pandémie. Je n’ai rien à justifier. Par contre, j’ai des connaissances médicales qui me permettent d’avoir un avis sur certaines choses. 

Je me permets donc de vous affirmer qu’il n’y a aucune raison de ne pas vous faire vacciner. Si vous ne le souhaitez pas, c’est votre choix personnel. Mais il faut savoir que le Covid bloque tout, du 1er lit aux urgences jusqu’au dernier en réanimation. Ce sont les autres malades qui subissent les idées fixes de certains. Ce n’est pas juste. 

Je vous propose de venir passer 2 semaines aux Urgences de l’Hôpital pour bien comprendre ce dont les soignants parlent. 

Quel(s) souhait(s) avez-vous pour l’avenir de la médecine française ?

Tout d’abord, j’aimerais que ce soit de belles personnes qui soient choisies pour suivre les études de Médecine et devenir de bons médecins. Des personnes empathiques, non violentes, etc. Il y a malheureusement de mauvais médecins. Certains le deviennent à cause du système. D’autres le sont de façon innée. Ils ne devraient pas pouvoir accéder à ces études pour la simple raison qu’ils ont réussi le concours. 

Ensuite, il faut changer le système, clairement. Les études sont trop longues et contraignantes, elles nous ravagent. Il y a trop de hiérarchie, d’humiliations en tout genre. Il y a des services où nous sommes régulièrement traités comme des plantes vertes ou des moins que rien.
Heureusement, il y a aussi de superbes rencontres avec des médecins inspirants. De très nombreuses personnes dans le corps médical et paramédical font un travail incroyable. Pour changer les choses, pour nous éduquer à être meilleurs, etc. Je ne peux pas les oublier. 

En tant que médecins, nous sommes là pour soigner les gens. Au lieu de quoi nous sommes obligés de prendre des assurances extrêmement chères pour nous protéger d’éventuels abus d’attaques en justice. A l’inverse, certaines pratiques de médecins mériteraient d’être mises en cause et ne le sont pas, par exemple dans le cadre de violences gynécologiques.

Il faut également sensibiliser les patients. Les soins ne sont pas gratuits. Une nuit à l’hôpital, ce sont des milliers d’euros du contribuable dépensés. Bien sûr, je ne dis pas que les patients doivent payer de leur poche comme aux Etats-Unis. Mais juste que nous ayons tous connaissance des frais engendrés pour soigner. Un acte d’imagerie ou même un doliprane pris à l’hôpital n’est jamais anodin (puisque son coût total inclura le salaire de l’infirmière qui vous le donnera, au-delà du médecin qui l’a prescrit et de la secrétaire qui aura enregistré votre admission par exemple).

Concernant les déserts médicaux, je suis tellement concentrée et « bouffée » par mes études que ce n’est pas un sujet de réflexion actuel. En 1ère année, j’étais pleine de projets et d’ambitions, j’aurais certainement répondu autre chose. Mais à ce moment précis, aujourd’hui, je suis fatiguée.

Pour autant, j’ai l’impression que les choses sont en train de changer à plusieurs niveaux dans notre société. J’espère y apporter ma contribution, et entretenir le lien humain avec les patients et les autres professionnels de Demain.


En complément, Alix vous invite à prendre connaissance de ce témoignage de Raphaël Dachicourt partagé sur Facebook. Il finit actuellement son cursus et sera demain Médecin généraliste.